“Close” de Lukas Dhont : psychologie des adolescents, santé mentale, suicide et éducation affective dans la culture occidentale contemporaine
Après avoir été présenté en première au Festival de Cannes, où il a reçu le Grand Prix du Jury, le film belge “Close” de Lukas Dhont est nommé pour l’Oscar du meilleur long métrage étranger, a annoncé la semaine passée l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.
Le film relate l’évolution de l’amitié fusionnelle de deux jeunes garçons au moment de leur transition vers l’adolescence : alors qu’ils changent d’établissement scolaire, le poids des commentaires blessants et des injonctions à la conformité remet en cause leur amitié, menant l’un d’eux au suicide.
Lukas Dhont dépeint dans son oeuvre un enjeu de santé mentale pour les adolescents sans éducation affective dans un univers régis par des stéréotypes sexualisés néfastes qu’ils peinent à décoder ; et pour leurs familles plongées dans l’incompréhension.
Si le réalisateur est allé puiser dans ses propres souvenirs, il s’est également fondé sur un article rédigé en anglais par Niobe Way, publié en 2013 dans Journal of Research on Adolescence, intitulé “Les amitiés des garçons pendant l’adolescence“.
Niobe way est professeure de psychologie appliquée à l’Université de New York et directrice d’un programme de doctorat en psychologie développementale. Elle étudie les liens humains depuis plus de 35 ans.
L’universitaire y souligne trois tendances identifiées par cette étude menée pendant deux décennies auprès de garçons “Noirs, Latinos, Asiatiques et Européens-Américains” :
- L’importance pour les garçons d’être capable de partager leurs secrets avec leurs amis proches,
- L’importance d’amitiés proches pour la santé mentale des garçons, et
- La perte des amitiés masculines proches malgré le désir de les faire perdurer alors que les garçons évoluent vers la fin de l’adolescence.
“Alors que ces garçons deviennent des hommes, ils deviennent méfiants, perdent ces amitiés et se sentent isolés et seuls“, conclue l’autrice.
L’étude servira de base à son livre “Deep Secrets – Boys Friendships and the Crisis of Connection” (“De grands secrets, les amitiés des garçons et la crise de la connexion”) dans lequel Niobe Way propose de reconnaître l’importance fondamentale du besoin de lien amical pour l’humanité.
Dans ce Short Youtube, issu de la vidéo “The Psychology of Male Friendships” (janvier 2023), Niobe Way souligne le besoin vital de réintégrer et de valoriser la dimension amicale dans l’éducation des garçons pour notre société.
“Il y aura des conséquences violentes au fait d’élever des animaux sociaux d’une manière asociale. La violence, les suicide et les problèmes de santé mentale, la solitude, l’isolation, les agressions sexuelles, (…) proviennent du fait que l’on élève nos enfants à aller contre leur nature. (…) La solution réside dans l’acceptation qu’il s’agit d’un problème culturel plus qu’individuel. Ce n’est pas le problème des garçons et des hommes, des filles et des femmes, de tous les groupes que l’on condamne (…), le problème, c’est comment nous avons construit notre culture afin que l’attention soit inférieur, et gagner beaucoup d’argent supérieur.”
Chiffres clefs présentés par le site du Ministère de la Santé et des Solidarités :
- Le suicide représente en France plus de 9 200 décès par an, soit trois fois plus de décès que les accidents de la route ;
- 89 000 personnes ont été hospitalisées en médecine et chirurgie pour tentatives de suicide en 2017 mais on estime à 200 000 le nombre de tentatives de suicide au total ;
- Le taux de suicide est en France l’un des plus élevés d’Europe avec 12,5 décès pour 100 000 habitants, pour une moyenne européenne de 10,3/100 000 habitants ;
- Le suicide en France concerne en premier lieu les hommes, avec un taux de suicide de 19,4 sur 100 000 habitants, et dans une moindre mesure les femmes avec un taux de suicide de 6,0 sur 100 000 habitants ;
- Chaque année le suicide est responsable de la mort de près de 400 adolescents en France, ce qui en fait la 2e cause de mortalité pour cette tranche d’âge.
Pour aller plus loin : Les données épidémiologiques les plus récentes avec le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France et les rapports de l’Observatoire national du suicide.