Vivre en couple, un privilège social ?

INSEE : Comme aux États-Unis, la conjugalité devient un marqueur de supériorité sociale, explique une note de Fabienne Daguet.

Vivre en couple, un privilège social ?

Les femmes et les hommes très diplômés vivent plus souvent en couple que les peu diplômés

La fréquence de la vie en couple varie selon le niveau de diplôme à tout âge“, analyse Fabienne Daguet dans son Étude INSEE Première n° 1937 publiée le 13 février 2023. “Au fil des décennies, les femmes plus diplômées ont peu modifié leurs comportements, au contraire des moins diplômées.”

“En 2019, les trentenaires, femmes et hommes, vivent d’autant plus souvent en couple que leur diplôme est élevé : c’est le cas de sept titulaires d’un bac+5 sur dix, contre six personnes sans diplôme sur dix. Avant 2000, les femmes avaient au contraire d’autant plus souvent un conjoint qu’elles étaient peu diplômées. Chez les hommes, les comportements de conjugalité ne variaient guère selon le diplôme, seuls ceux qui n’en avaient pas se distinguaient par une vie en couple moins fréquente. Les comportements des femmes et des hommes se sont ainsi rapprochés.”

Fabienne Daguet, “Les femmes et les hommes très diplômés vivent plus souvent en couple que les peu diplômés”, INSEE

La fréquence de la vie en couple ne varie pas selon le diplôme pour les personnes immigrées. Entre 30 et 39 ans, la fréquence de la vie en couple ne varie guère selon le niveau d’études parmi les immigrés, et elle a peu évolué depuis 2009. Autour de 74 % des femmes et 67 % des hommes de ces âges vivent en couple en 2019, quel que soit leur niveau de diplôme.

“La fin de l’amour” et la Saint-Valentin, retour sur la pensée d’Éva Illouz

Eva Illouz, sociologue des émotions et autrice de “La fin de l’amour” et de “Pourquoi l’amour fait mal” analysait au micro de France Culture :

Si les relations amoureuses sont difficiles, compliquées, imprévisibles, ce n’est pas parce que les hommes et les femmes sont de Mars et Venus, mais bien plutôt à cause de ce que la sociologie appelle les structures et les institutions de la modernité.” Elle ajoute : “Il existe aujourd’hui une croyance profondément enracinée selon laquelle nos malheurs amoureux sont le fruit direct de notre histoire psychique. La vulgate freudienne, dans laquelle nous baignons depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous a habitués à l’idée que la cause de nos échecs amoureux est en nous, dans notre histoire personnelle, notre inconscient… (…) Il me semble urgent d’affirmer que les échecs de nos vies privées ne sont pas – ou pas seulement – le résultat de personnalités psychiques défaillantes, mais qu’ils sont aussi le produit de nos institutions, des tensions culturelles.

En France comme aux États-Unis, le mariage vu comme un marqueur de supériorité sociale

“Comment le mariage est-il devenu le symbole d’un privilège ?” se demandait Claire Cain Miller dans The New York Times en 2017. Le mariage, qui était auparavant la manière par défaut de fonder une famille aux États-Unis, sans interférence du niveau de revenus ou d’éducation, est devenue un élément de plus de la vie américaine réservée aux plus privilégiés, explique t’elle.

Moins d’Américains se marient, et la raison est plus liée au statut socio-économique que jamais auparavant. Dans les années récentes, le nombre de mariages a décliné chez les personnes sans diplôme, alors qu’il est resté stable chez les personnes diplômés aux revenus plus élevés.

Pour Sharon Sassler, sociologue à Cornell, célèbre université membre de la très élitiste Ivy League, la raison du déclin du nombre de mariages est que les hommes sans emploi sont moins susceptibles d’être vus comme “bons à marier”.

Les femmes ne veulent pas prendre un risque avec quelqu’un qui ne sera pas capable d’apporter quoi que ce soit“. Sassler est la co-autrice avec Amanda Jayne Miller de “Cohabitation Nation: Gender, Class, and the Remaking of Relationships”. C’est sans doute la particularité d’une culture où les congés maternité et paternité sont quasi inexistants.

Alors que le nombre de mariage est en déclin, la fécondité ne suit pas la même tendance : Plus d’enfants vivent désormais dans des familles sans les deux parents et les resources qu’ils apportent.

Andrew Cherlin, sociologue à Johns Hopkins et auteur de “Labor’s Love Lost: The Rise and Fall of the Working-Class Family in America” commente que les diplômés sont plus susceptibles de prévoir et organiser leur vie méthodologiquement, en vérifiant la comptabilité avec la personnalité des personnes avec qui ils sont en relation jusqu’à être certains de vouloir emménager ensemble. Les personnes moins éduquées sont plus susceptibles d’emmenager avec leurs relations en l’espace de quelques mois, et de tomber enceintes à un âge plus bas et avant le mariage.

Pour aller plus loin en anglais :

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