Paris : échanges sur les Objectifs de Développement Durable et le 30e anniversaire de l’Année Internationale de la Famille
Liste des participants :
Renata Kaczmarska | ONU (Organisation des Nations Unies) – Social Affairs Officer, Focal Point on the Family |
Véronique Desmaizières | UDAF Paris (Union Départementale des Associations Familiales) – PrésidenteUNAF (Union Nationale des Associations Familiales) – Administratrice |
David Pioli | UNAF – Coordonnateur du Pôle Droit de la Famille, parentalité et protection de l’enfance |
Ignacio Socias | IFFD (International Federation for Family Development) – Director of Communication and International Relations |
Alex Vasquez | IFFD – United Nations Representative |
Perrine Bruvier | IFFD – United Nations Representative |
Rémy Verlyck | Familles Durables – Directeur général |
Elias Nahas | Familles Durables – Stagiaire |
Alice Casanova | Familles Durables – Communication |
Eamon Drumm | UNSDSN (UN Sustainable Development Solutions Network) – Senior Program Officer |
Dominic Richardson | ex-UNICEF Innocenti research unit |
Guillaume Prévaust | VersLeHaut – Délégué général |
Stephan Lipiansky | VersLeHaut – Chef de projet |
Raymond Debord | Sociologue |
Thierry Veyron La Croix | Familya – Président fondateur |
Frederic Micheau | OpinionWay – Directeur général adjoint |
Olivier Corboresse | CNAF (Caisse Nationale des Allocations Familiales) – Directeur des Relations internationales |
Delphine Blot | Magistrat, ancienne juge pour enfants |
I – Résultats du 2e Baromètre OpinionWay pour Familles Durables sur les Français et la Famille
Frédéric Micheau (OpinionWay) a pu exposer les résultats du 2e Baromètre OpinionWay pour Familles Durables, réalisé en janvier 2023, obtenus à partir d’un échantillon de 1009 personnes, représentatif de la population française et idéal pour mesurer des opinions à un instant T.
Parmi les tendances saillantes :
- 47% des familles estiment que les pouvoirs publics ne les soutiennent pas suffisamment. A l’inverse, 66% des familles nombreuses considèrent que ce soutien est suffisant.
- ¾ des Français considèrent que les aidants ne sont pas assez soutenus.
- 76% des personnes interrogées adhèrent à l’idée d’améliorer les conditions de travail pendant les trois premiers mois de grossesse.
- 72% des personnes interrogées sont favorables à l’allongement du congé maternité à 6 mois, dès le premier enfant. En revanche, 56% des personnes pensent que le congé paternité est suffisamment long.
- Pour 64% des interrogés, le rapprochement géographique avec d’autres membres de leur famille offrirait une meilleure qualité de vie. 76% pensent que les zones résidentielles en périphérie des villes sont les plus adaptées,
- Le taux de satisfaction à l’égard de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle a baissé de 10% depuis l’épidémie de Covid 19. Néanmoins, 30% des femmes sont plus satisfaites qu’avant la pandémie, sans doute grâce à l’élargissement du télétravail.
- 58% des personnes interrogées pensent que le conseil conjugal n’est pas efficace, mais une majorité des -35 ans pense que celui ci peut être utile .
- 81% des personnes interrogées se disent inquiètes à propos des conséquences du changement climatique sur les générations futures. Enfin, 70% des parents jugent qu’avoir des enfants les poussent à agir davantage en faveur de la transition écologique.
II – Les préparatifs du 30e anniversaire de l’Année Internationale de la Famille à l’ONU
Renata Kaczmarska (ONU) a présenté les objectifs de développement durable issus de l’Agenda 2030 et touchant aux problématiques familiales :
- Éradication de la pauvreté.
- Bonne santé et bien-être.
- Éducation de qualité : le 3e comité de l’Assemblée générale de l’ONU a reconnu le rôle des parents dans l’éducation de leurs enfants.
- Égalité entre les sexes.
Historique : l’Année internationale de la Famille a été instituée pour la première fois en 1994 par l’Assemblée générale des Nations Unies. Il a ensuite été convenu que, tous les 10 ans, une nouvelle thématique sur les familles serait abordée.
Dans la perspective du 30e anniversaire de cette année internationale, l’ONU analyse certaines mégatendances pour conseiller les gouvernements et les populations :
- Le changement technologique : des recommandations ont été émises lors d’un webinaire en 2021, notamment sur l’usage approprié des nouvelles technologies par les enfants.
- L’urbanisation : celle-ci doit être planifiée grâce à la coopération entre les parties prenantes concernées, aux différentes échelles. L’habitat doit être décent ; les espaces publics doivent être suffisants et accessibles aux plus vénérables ; l’aménagement durable et favorable à l’intergénérationnel.
- Les migrations : Elles s’opèrent souvent sous la forme de migrations familiales. Un rapport de l’ONU partage des bonnes pratiques, venant notamment du Canada est proposé à titre d’exemple.
- Le changement démographique : ce thème a été abordé l’an dernier à l’occasion de la journée internationale de la famille.
- Le changement climatique : ce thème difficile sera abordé l’an prochain. Les experts réclament notamment de soutenir en urgence les familles touchées par le changement climatique.
Renata Kaczmarska déclare étudier les conséquences de ces “mégatendances” sur les familles afin d’émettre des conclusions adressées aux gouvernements sur les politiques familiales. Elle souhaite que celles-ci soient représentatives de toutes les régions du monde, c’est pourquoi le point de vue des Français est enrichissant pour les recherches de son département.
“La Famille est un moyen d’action légitime face aux mégatendances car elle regroupe de nombreux paramètres” ajoute-t’elle. “Je suis convaincue que les familles ne sont pas seulement des bénéficiaires de développement mais aussi et des agents de développement.”
Ignacio Socias, IFFD, a souligné que son organisation s’appuyait sur la Déclaration de Copenhague sur le développement social (1995) pour plaider en faveur de la famille au prisme de la pauvreté, de l’insertion sociale et de la solidarité intergénérationnelle. Depuis trente ans, en coordination avec l’UNICEF et au travers de plus de 150 publications issues du monde entier, il a relevé huit principes fondamentaux :
- La famille mérite une attention particulière, en tant qu’unité de base de la société (article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme).
- Les familles prennent des formes et des fonctions diverses selon les pays et les sociétés.
- L’IFFD veille à promouvoir les droits fondamentaux de la personne humaine et soutenir les familles quelles que soient leurs situations.
- Les politiques d’égalité entre les hommes et les femmes doivent mener à un partage plus équitable des tâches. Elles doivent soutenir les femmes qui assurent la majorité des soins domestiques.
- Les aspects des politiques familiales doivent être entrepris à tous les niveaux (international, local, national, urbain, rural…).
- Les programmes doivent plutôt soutenir les familles dans l’exercice de leurs fonctions, au lieu de les substituer.
- Promouvoir les forces inhérentes à la famille, y compris leur capacité d’autonomie et leur participation à des activités durables, permet de respecter leur liberté.
“Le processus de développement en faveur des familles est continu, il ne commence ni ne s’achève avec le 30e anniversaire“
III. Échanges entre les participants
Olivier Corboresse indique que la branche Famille de la CNAF travaille beaucoup sur les migrations et commence à réfléchir aux problématiques liées au changement climatique.
Il propose de partager des documents produits par la Commission technique des prestations familiales de l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS), sur la dimension de genre et sur les ruptures familiales.
Il demande ce qu’Ignacio Socias entend par « ne pas substituer les familles ».
Renata Kaczmarska répond que, dans certains pays, lorsque les familles sont trop pauvres, les enfants sont envoyés dans des institutions. Cela ne devrait pas arriver car les familles sont des unités en capacité de protéger tous leurs membres si des moyens adéquats leurs sont attribués.
Eamon Drumm (UNSDSN) indique qu’à mi-chemin de l’échéance de l’Agenda 2030, il apparaît qu’un certain nombre d’objectifs de développement durable ne seront pas atteints. Le rapport sur les objectifs de développement durable publié en 2023 révèle en effet que les indicateurs ont subi un net recul au moment de la crise du Covid 19, en particulier ceux liés à l’accès à la vaccination, au sentiment de bien-être, à la pauvreté et au taux de chômage.
En réaction, un investissement massif dans la famille, l’école et les circuits courts a été préconisé par les Nations Unies, dans le Rapport 2023 sur le financement du développement durable.
Ces investissements seront discutés les 22 et 23 juin 2023, au Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, à Paris.
Thierry Veyron La Croix, Familya, déplore que le couple soit un sujet oublié des politiques publiques, contrairement aux parents et aux enfants.
Selon lui, la sécurité affective des enfants est primordiale. Les conflits de loyauté ont des conséquences sur la santé mentale et sur la croissance des enfants.
En citant un rapport publié par Familya en 2021, il indique que la séparation conjugale, touchant ¼ des familles, est la première cause de pauvreté en France. Elle provoque une baisse de 20% du niveau de vie chez les femmes. 90% des personnes incarcérées ou en prison ont été élevées dans des familles monoparentales. 85% des personnes à la rue ont été élevées dans des familles en rupture.
Il regrette donc que la prévention des séparations, par le biais du conseil conjugal, ne soit pas plus valorisée par les pouvoirs publics. Pourtant, elle aurait des conséquences positives sur les problèmes des violences conjugales et de la crise du logement. En effet, 73% des couples voulant se séparer et ont été accompagnés par un conseiller conjugal ont décidé de rester ensemble.
Un colloque sera organisé en septembre à l’Assemblée nationale sur le soutien à la conjugalité et accompagner les enfants pour améliorer la société.
Il demande s’il existe des études sur la conjugalité à l’international.
Renata Kaczmarska répond qu’il est très difficile d’étudier le thème de la conjugalité dans les publications sur les familles car il est lié à l’indépendance des personnes et au droit des femmes.
Ignacio Socias ajoute qu’il est difficile de distinguer les causes des conséquences dans ce thème de la conjugalité. En revanche, il estime important de réaffirmer le rôle des pères dans les familles et en particulier lors des 1000 premiers jours de l’enfant. Cela est corroboré par le document Men in Families and Family policies in a changing world (United Nations, 2011).
David Pioli, UNAF, indique avoir suggéré à la CNAF d’intégrer la médiation familiale dans le parcours de l’aide au litige, dans le cadre d’un divorce, car toute séparation est coûteuse.
Delphine Blot, magistrat, ancienne juge pour enfants, a constaté qu’un tiers de ses dossiers était lié aux conséquences d’une rupture familiale, alors que les enfants étaient très désorientés par les conflits entre les parents. Elle a aussi observé une surreprésentation de mineurs délinquants issus de familles monoparentales et sans figure paternelle. Enfin, elle a remarqué que les enfants qui grandissent en foyer semblent moins bien évoluer que ceux pris en charge en famille d’accueil avec un couple parental.
Elle souligne que cela ne signifie pas qu’il faille chercher à garder les couples ensemble à tout prix.
Raymond Debord, sociologue, apprécie que les termes “sexe” et “genre” soient distingués dans les interventions, ce qui permet d’éviter les confusions.
Dans le baromètre, il note la différence entre la réalité de ce que vivent les familles nombreuses, grandes victimes des politiques familiales, et leur perception plutôt positive des aides publiques.
Il déplore que les aidants familiaux soient utilisés comme des substituts à l’aide de l’Etat, pour des motifs économiques. Le même raisonnement est utilisé dans les congés parentaux.
Au sujet des ruptures familiales, il conseille de se méfier des effets de causalité car de nombreux déterminants socio-économiques sont en jeu. Parfois, la précarité est plutôt une cause qu’une conséquence. Il doute que les politiques de ciblage des familles monoparentales soient les plus efficientes.
Il remarque qu’aux niveaux national et international, la démographie est devenue une question brûlante. Il regrette que la catastrophe démographique à venir ne soit pas davantage discutée.
Véronique Demaizières indique que le dernier Observatoire des Familles produit par l’UNAF a travaillé sur le désir d’enfants. Les résultats devraient paraître en septembre 2023.
Stephan Lipiansky, VersLeHaut, estime que l’expression « soutenir les familles » mérite des précisions concrètes. Elles n’ont pas uniquement besoin d’un soutien financier mais également d’être accompagnées dans leurs pratiques éducatives.
Comment soutenir les parents dans leurs tâches éducatives ? Il se demande comment les parents se sentent face à ces responsabilités. Le récent débat sur le “Time-out” a révélé combien le débat sur l’autorité était cacophonique.
Il signale que le prochain Baromètre Jeunesse et Confiance traitera des enjeux climatiques et environnementaux, et annonce un événement qui aura lieu le 28 septembre 2023, dédié à l’accompagnement des familles, organisé avec l’UNAF, la Croix Rouge et Apprentis d’Auteuil, destiné à préciser concrètement ce que peut signifier ce « soutien ».
Guillaume Prévaust, VersLeHaut, souligne qu’un rapport sur l’autorité, rédigé par Stephan Lipiansky, est sur le point de paraître.
Il souligne que la famille n’est pas un isolat et qu’elle doit être étudiée au prisme de son environnement (scolaire, géographique, social…).
Il met en évidence l’enjeu de mixité lié à la raréfaction des familles démunies dans l’espace public, souvent due à une méfiance vis-à-vis des pouvoirs publics.
Il s’intéresse à la question de l’école et des relations avec les parents d’élèves, alors que souvent les parents ne se sentent pas légitimes pour élever leurs enfants. Il relève plusieurs facteurs de réussite sur les élèves :
- L’effet enseignant ;
- L’effet établissement ;
- L’effet offre péri-éducative ;
- L’effet parents.
Le terreau psychosocial est fourni par le sens, la confiance et la relation.
Delphine Blot indique que ce qui a été dit est corroboré par un rapport du Sénat de la Commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, daté du 27 juin 2002, qui confirme notamment l’impact significatif de la famille et notamment d’un contexte familial conflictuel et/ ou carencé sur troubles du comportement des mineurs et donc potentiellement de la délinquance.
À propos des nouvelles technologies, elle remarque qu’il y a beaucoup d’inquiétudes sur l’usage et le manque de régulation. Le harcèlement en ligne, plus difficile à maîtriser que le harcèlement à l’école, provoque des suicides de plus en plus fréquents.
Elle cite également un rapport du Sénat sur la pornographie chez les mineurs du 28 septembre 2022.
Fin de la réunion