Solitude : 1 personne sur 5 se sent régulièrement seule

À l’occasion de la Journée mondiale des Solitudes le 23 janvier, la Fondation de France a présenté les résultats de sa nouvelle étude sur les solitudes en France. Intitulée « (Re)liés par les lieux », elle a été réalisée en collaboration avec une équipe de recherche (Cerlis et Audencia) et le Crédoc. Une étude relayée par Familles Durables.

Solitude : 1 personne sur 5 se sent régulièrement seule

Se sentir seul fait de plus en plus souffrir

« Une personne est isolée lorsqu’elle ne rencontre pas physiquement les membres de 5 réseaux de sociabilité : le travail, la famille, les relations amicales ou professionnelles et le milieu associatif », explique la chercheuse au Cerlis Séverine Dessajan.

Cette nouvelle étude confirme l’ampleur de ce phénomène : en 2023, 12 % des Français se trouvent en situation d’isolement total, et une personne sur 3 n’a aucun ou qu’un seul réseau de sociabilité.

En ce qui concerne le sentiment de solitude, 1 personne interrogée sur 5 indique se sentir régulièrement seule (21 %). Parmi elles, 83 % souffrent de cette situation, un chiffre en progression de 4 points par rapport à 2020.

« La solitude en France est un phénomène qui évolue peu mais se polarise. Les plus précaires sont toujours plus exposés à l’isolement : les personnes au chômage sont deux fois plus isolées que les actifs », souligne Hadrien Riffaut, chercheur au Cerlis.

Selon Gilles Lipovetsky, professeur agrégé de philosophie, auteur de l’Ere du vide, la société de consommation est devenue une société de fabrication des solitudes par la privatisation des modes de vie et la dissolution des lieux traditionnels de sociabilité : « nous avons des sociétés fortement communicantes mais faiblement rencontrantes ». 

Constat partagé par Philippe Carli, Président de l’association Astrée qui œuvre pour restaurer le lien social et rompre la solitude à tous les âges: « nous n’avons jamais eu autant de connaissances grâce au numérique, et paradoxalement, autant de personnes qui se sentent seules ».

Par ailleurs, l’étude révèle que la solitude se manifeste davantage en été qu’en hiver, surtout chez les jeunes : 45 % se sentent seuls en été, contre 25% en hiver. Les raisons ? « La perte du lien scolaire et le coût des vacances », analyse Hadrien Riffaut.

Lieux de solitude et lieux du lien

Pour cette nouvelle édition, la Fondation de France a choisi de réaliser un focus qualitatif sur les lieux de solitude et de sociabilité. Quels lieux les personnes isolées fréquentent-elles en priorité ? Dans quelle mesure ces lieux peuvent-ils renforcer le lien social ?

Les lieux les plus fréquentés par les personnes en situation de solitude sont les centres commerciaux et les marchés et commerces du centre-ville. Cela s’explique par le fait que ce sont des lieux ouverts et gratuits dans lesquels ces personnes se sentent moins exposées au regard de l’autre et donc plus légitimes, l’isolement étant souvent corrélé à la précarité.

Mais les lieux où l’on noue le plus facilement des liens avec de nouvelles personnes ne sont pas forcément les lieux où l’on se rend le plus. Ce sont des lieux ou le “faire” occupe une place centrale, comme les établissements sportifs ou les structures associatives.

Quatre grands enseignements ressortent de l’enquête qualitative de terrain : la nécessité d’agir sur le rapport et l’appropriation des individus à l’espace, de penser les espaces publics qui sont des lieux du lien (parcs, jardins, places, marchés) comme lieux d’actions et d’événements pour l’ensemble des parties prenantes concernées, de soutenir et renforcer l’engagement des acteurs et actrices de terrain et d’encourager chez les personnes en situation d’isolement « le faire » pour revaloriser l’estime de soi.

La publication de l’étude s’accompagne cette année d’une exposition sur les lieux de solitude et les lieux du lien composée de photographies, dessins et textes réalisés par des personnes interrogées pendant l’enquête. 

« Au-delà de l’émotion que ces œuvres suscitent, cette exposition enrichit notre compréhension de l’isolement et de la solitude, en y apportant une dimension visuelle et personnelle », explique Axelle Davezac, directrice générale de la Fondation de France. 

« Ce sont autant de fenêtres ouvertes sur des vécus que nous avons souhaité rendre visibles ici », complète Hadrien Riffaut, chercheur au Cerlis.

Accès à l’étude de la Fondation de France
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