INED : le taux de pauvreté des enfants de parents séparés 16 points plus haut

Lors de la séparation conjugale, on observe des baisses de niveau de vie, plus marquées pour les femmes que pour les hommes. Carole Bonnet et Anne Solaz, directrices de recherche à l’INED, analysent les conséquences économiques des séparations pour les enfants. Résidant majoritairement avec leur mère après la séparation, ils vont souvent connaître une baisse de niveau de vie avec un fort risque d’entrée en pauvreté et des conditions de vie dégradées. Une étude partagée par Familles Durables.

INED : le taux de pauvreté des enfants de parents séparés 16 points plus haut

Dans le numéro du mois d’avril de Population et Sociétés, Carole Bonnet et Anne Solaz, toutes deux directrices de recherche à l’INED (Institut National d’Études Démographiques) ont publié un dossier de recherche intitulé “Séparation des parents : un risque accru de pauvreté pour les enfants ?

En France, en 2019, selon l’Insee, un enfant sur cinq (21 %) vivait sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian. Si l’entrée dans la pauvreté est parfois antérieure à la rupture conjugale, elle en est souvent la conséquence” commentent les autrices.

Garde alternée : les mères plus pauvres que les pères

Parmi les enfants en résidence alternée que l’on peut observer dans leurs deux logements l’année de la séparation, 6 % sont pauvres dans les deux ménages tandis que 24 % sont pauvres dans un seul des ménages, nettement plus souvent chez la mère (15 %) que chez le père (9 %); et 70 % des enfants ne sont pauvres dans aucun des deux ménages. Si l’on adopte une définition large de la pauvreté (être pauvre dans au moins l’un des deux ménages) en cas de résidence alternée, le taux de pauvreté général des enfants l’année de la séparation serait plus élevé d’un peu moins de 2 points de pourcentage, soit de 31 % au lieu de 29 %.

Au-delà de la pauvreté monétaire, la pauvreté en conditions de vie

En pratique, les enfants ont moins accès à certaines ressources après la séparation parentale qu’avant. Ainsi, à partir des données de l’enquête sur les ressources et conditions de vie , on observe que la part d’enfants dont le ménage a les moyens financiers de partir en vacances en dehors de chez soi au moins une semaine par an diminue de 10 points de pourcentage entre l’année de la séparation et celle qui suit.

Recevoir des amis à domicile est plus rare dans les quatre années suivant la séparation, sans doute en lien avec la taille réduite du logement et la rupture de certains réseaux amicaux. Les possibilités pour le ménage de faire face à une dépense imprévue, d’offrir des cadeaux, de changer les meubles usagés, ou de disposer d’une voiture sont également moindres, et cela perdure dans les années qui suivent la séparation.

Les conditions de vie des enfants sont donc dégradées à bien des égards après une rupture parentale. On note cependant une nette amélioration lorsqu’il y a remise en couple du parent chez lequel vit l’enfant.

Julien Damon : “La prévention des séparations, un élément judicieux d’une politique de lutte contre la pauvreté”

Point saillant de cette recherche, le supplément de pauvreté des enfants lié à la séparation de leurs parents est de 16%. “Il va être difficile, après avoir lu ce graphique, de dire que la prévention des séparations n’est certainement pas un élément judicieux d’une politique sérieuse de lutte contre la pauvreté“, commente Julien Damon sur son fil Tweeter le 19 avril 2023.

L’année dernière dans Les Échos, ce dernier déclarait dans une tribune intitulée “Contre la monoparentalité, la biparentalité” que si “l’Etat aide les familles monoparentales, il pourrait aussi prévenir la monoparentalité et favoriser les remises en couple. Concrètement, la politique familiale devrait soutenir le conseil conjugal et les agences matrimoniales.” Julien Damon est sociologue, professeur associé à Sciences Po et conseiller scientifique de l’École nationale supérieure de sécurité sociale (En3s).

Carole Bonnet est spécialiste de l’économie du vieillissement, des aspects redistributifs du système de retraite, de l’épargne et cycle de vie, de la comptabilité générationnelle.

Anne Solaz travaille quant à elle prioritairement sur le divorce, la séparation, la garde partagée, les inégalités femme-homme sur le marché du travail, la division du travail au sein des couples, les inégalités dans l’enfance, les politiques familiales et la fécondité.

Pour aller plus loin, revoir la soirée débat consacrée aux ruptures conjugales animée par Familya et VersLeHaut

À l’occasion de la publication de son nouveau rapport « Prévenir les ruptures conjugales pour protéger les enfants. Pourquoi le soutien aux couples doit devenir une politique publique », VersLeHaut en partenariat avec Familya et Aire de Famille, a organisé une soirée-débat le 29 mars 2021 pour intégrer le soutien aux couples à nos politiques publiques.

La soirée a été rythmée en 4 temps :

  1. Présentation du rapport : Marc Vannesson, alors délégué général de VersLeHaut, Bérengère Wallaert, chargée d’études pour VersLeHaut
  2. Une première table-ronde s’est interrogée sur les freins existants : Thierry Veyron-Lacroix, Conseiller conjugal, médiateur familial et fondateur de Familya, Julien Damon, sociologue, Vincent Mazauric, directeur général de la CNAF 
  3. Une intervention de Jean-Luc Tournier, psychothérapeute, sur l’importance de l’implication des pères dans l’éducation de leurs enfants.
  4. Une seconde table ronde dédiée aux centres parentaux : Sophie Bertrand, Vice-présidente Conseil Général du Cher, Frédéric Van der Borght, Psychologue clinicien, Directeur Aire de famille ; Cofondateur et vice-président de la FNCP, Catherine Joliveau, Éducatrice et adjointe dans un centre parental du Nord
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