Royaume-Uni : éducation sexuelle et affective dans un monde post-séculier
Des villes “religieusement diversifiées” dans une “société post-séculière”
Dans un article publié dans la revue scientifique Sex Education le 17 octobre 2023, Richard Phillips, Julia Hirst, Thom Winterbotham et Harriet Tucker se sont penchés sur la réception de l’éducation affective et sexuelle (relationships and sex education, ou RSE) parmi les jeunes issus de milieux religieux ainsi que parmi leurs parents dans les villes Sheffield et Birmingham.
Ces deux villes décrites comme “religieusement diversifiées” permettent une analyses des barrières et des éléments facilitateurs à une bonne éducation sexuelle et affective dans une société post-séculière comme le Royaume-Uni.
Théorisée par Jürgen Habermas, la post sécularité est une notion désignant les sociétés dont les États ont été séparés des institutions religieuses, et dans lesquelles les comportements religieux ont globalement diminué de façon significative.
Afin de mener leur étude, les chercheurs ont également mené à bien une revue de la littérature scientifique.
“Les écoles du Royaume-Uni, d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Australie mettent en place d’ambitieux programmes d’éducation affective et sexuelle en milieu scolaire. Pour que l’éducation affective et sexuelle soit efficace, elle doit être inclusive, reconnaissant et respectant les besoins et les expériences de ceux qui n’ont pas toujours bénéficié d’une éducation affective et sexuelle de qualité. Cet article considère l’un de ces groupes – les étudiants issus de milieux religieux – et explore les moyens de dispenser l’éducation affective et sexuelle dans une « société post-séculière » où religion est reconnue et respectée.“
Richard Phillips, Julia Hirst, Thom Winterbotham et Harriet Tucker dans Sex Education, traduction libre
Revue de la littérature : le point de vue des élèves en matière d’éducation affective et sexuelle
Selon l’équipe de chercheurs, la littérature de recherche sur les expériences des enfants et des jeunes en matière d’éducation affective et sexuelle s’accorde sur les points clés suivants :
- Les étudiants croyants se sentent stéréotypés par les enseignants et leurs camarades de classe qui les considèrent comme socialement conservateurs ; ces étudiants aimeraient que les enseignants soient respectueux et ouverts d’esprit, considérant cela comme plus important que la connaissance détaillée d’une religion particulière.
- Une minorité importante d’étudiants est insatisfaite de l’éducation affective et sexuelle qu’ils reçoivent.
- La majorité des étudiants croyants veulent et valorisent une éducation affective et sexuelle.
- La plupart des étudiants croyants souhaitent que l’on accorde plus d’attention aux croyances et aux antécédents religieux en éducation affective et sexuelle et souhaiteraient que l’éducation affective et sexuelle soit plus sensible à la foi, en évoquant les traditions, les textes et les valeurs religieuses. Cependant, ils ne veulent pas être pointés du doigt en classe ou invités à parler au nom de leur religion.
- Certains étudiants croyants estiment que l’éducation affective et sexuelle contredit parfois les valeurs et les pratiques religieuses, par exemple en supposant que les adolescents sont sexuellement actifs.
- Les étudiants qui ne sont pas eux-mêmes religieux et ceux qui vivent dans des zones à faible pratique religieuse ont tendance à vouloir que la foi de leurs camarades soit respectée, mais ne souhaitent pas nécessairement en apprendre davantage sur la religion dans le cadre de l’éducation affective et sexuelle.
Le point de vue des parents sur l’éducation affective et sexuelle, une enquête qualitative
Les résultats l’enquête consultative auprès des parents croyants ont permis de dégager les points clés suivants :
- Les parents intègrent leur religion aux discussion sur la sexualité et les relations dans le cadre de leur rôle parental, y compris dans leur attitude à l’égard de l’éducation affective et sexuelle.
- Les parents croyants ont une connaissance inégale de l’éducation affective et sexuelle. Certains connaissent le programme scolaire et leurs droits en tant que parents, mais beaucoup d’autres n’en sont pas conscients.
- Les parents croyants expriment toute une gamme de points de vue sur l’éducation affective et sexuelle. Certains sont très positifs et favorables, d’autres indécis, et une infime minorité fortement opposée.
- Les opinions des parents sur l’éducation affective et sexuelle varient au sein des communautés religieuses et entre elles.
- Les parents de différentes confessions partagent certains points de vue communs sur l’éducation affective et sexuelle, comme le désir d’éviter de présumer que les adolescents seront sexuellement actifs et la prudence à l’égard des propos sexuellement explicites.
- Certains parents reconnaissent qu’ils n’ont pas la confiance et les compétences nécessaires pour discuter de sexualité et de relations avec leurs enfants et sont reconnaissants envers les enseignants d’éducation affective et sexuelle de les avoir aidés.
- Certains parents croyants sont plus (et non moins, comme on le suppose souvent) positifs à l’égard de l’éducation affective et sexuelle.
- La connaissance variable du système éducatif, en particulier parmi les parents croyants qui sont de récents immigrants, ajoute à l’inquiétude à l’égard de l’éducation affective et sexuelle.
- Pour les parents croyants dont la langue maternelle n’est pas l’anglais, la langue constitue une barrière entre la famille et l’école, ce qui rend plus difficile l’explication de l’éducation affective et sexuelle.
- De nombreux parents souhaiteraient une meilleure communication avec les écoles, avec la possibilité de poser des questions et d’exprimer leurs préoccupations.
- Certains parents estiment que les enseignants et les écoles manquent de conscience et de compréhension de leur culture et de leur religion. Certains d’entre eux apprécieraient les efforts déployés par les enseignants et les écoles pour atteindre leurs communautés.